Jour 2 > Le Nord de Grande Terre – Guadeloupe
Deuxième journée sur les îles de Guadeloupe et nous poursuivons notre exploration avec le Nord de Grande Terre. C’était le programme que nous nous étions fixés pour notre première journée sur l’île mais comme je vous l’expliquais dans l’article précédent, un petit imprévu nous a obligé à revoir nos plans !
Dans ce nouvel article je vous propose donc de visiter le Nord de Grande Terre, l’aile droite du papillon. Comme nous logions au Moule ce sera notre point de départ pour rejoindre Vieux-Bourg et Morne à l’eau en fin de journée, tout en passant par les incontournables : l’Anse Sainte-Marguerite et son cimetière d’esclaves, la Mahaudière et la campagne moulienne, la route de la Falaise au Nord, l’Anse Laborde et Anse-Bertrand, la mangrove, le canal des Rotours etc…
Pour vous aider à situer :
Que voir, que faire dans le Nord de Grande-Terre en Guadeloupe ?
L‘île de Grande-Terre à l’Est est séparée de la Basse-Terre, à l’ouest, par un bras de mer appelé « la rivière salée« . Cette partie des îles de Guadeloupe présente un paysage plutôt agricole avec ses champs de canne à sucre, un paysage assez plat et sec. Le sud de Grande-Terre est très prisé des touristes pour ses plages de sable blanc, ses hôtels et ses petits bourgs tournés vers la mer comme Sainte-Anne. Le Nord quant à lui attire plutôt les amateurs de randonnée le long des falaises de la pointe de la Vigie, les amateurs d’authenticité à Anse-Bertrand ou les amoureux de la nature dans sa mangrove.
L’Anse Sainte-Marguerite
En quittant Le Moule on prend la direction du Nord de l’île pour notre première pause : l’anse Sainte-Marguerite.
Le site fait partie des lieux de mémoire de Guadeloupe mais il ne figure pas toujours sur les guides touristiques. Pour le trouver il ne faut pas avoir peur de s’élancer sur une petite route qui descend à pique vers la mer et marcher un peu sur votre droite.
En léger retrait et face à la mer le site a fait l’objet de recherches archéologiques entre 1997 et 2002 ce qui a permis de mettre au jour un vaste cimetière d’esclaves qui recouvrait un ancien site amérindien. Ces recherches ont permis de découvrir une centaine de tombes et d’en apprendre plus sur les pratiques funéraires des esclaves ainsi que leur état de santé (forte présence de la tuberculose, mauvaises hygiène de vie, atteintes dues aux travaux pénibles…).
Ce cimetière constitue un site majeur pour la connaissance de l’esclavage dans les Caraïbes et est actuellement le mieux documenté de toutes les Antilles.
Le cimetière d’esclaves
Le site de l’Anse Sainte-Marguerite se trouve sur la Route de l’esclave, un projet international lancé en 1994 pour aborder l’histoire de la traite négrière et de l’esclavage. Ce projet oeuvre à une meilleure compréhension et transmission de cette tragédie humaine. Plusieurs sites sur les îles de Guadeloupe ont été répertoriés pour constituer un itinéraire de la mémoire, itinéraire qui joue un rôle décisif dans l’éducation des jeunes et du grand public.
En tant qu’historienne je ne me voyais pas venir en Guadeloupe « profiter des plages » sans m’intéresser à son Histoire. J’ai ainsi listé quelques sites à visiter durant notre séjour comme le Mémorial ACTe, le musée Schoelcher, le fort Louis Delgrés, l’habitation de la Grivelière, le canal des Rotours ou ce cimetière d’esclaves (j’étais alors loin de me douter que certains de ces sites seraient fermés !)
Regarder la nature
On marche sur la côte, dans la campagne et on commence à en prendre plein les yeux. La végétation est luxuriante et se prête à merveille à la photographie. Malheureusement le vent (20 nœuds) et la pluie sont aussi au rendez-vous. Alors que nous marchons nous sommes surpris par une grosse averse tropicale; on court vers la voiture mais trop tard : nous sommes trempés !
L’arrière-pays moulien
On reprend la route, j’observe les paysages, les plantes et les champs de canne à sucre qui recouvrent cette partie de l’île. Les maisons sont tantôt colorées ou tantôt délabrées. Ici les habitations sont souvent en mauvais état, les poules et les coqs se promènent librement dans les cours (ou sur la route) pendant que les bœufs broutent attachés sur la pelouse.
Même si ces scènes ont un certain charme il nous semble que cette partie de l’île n’est pas très riche et très agricole. Partout à perte de vue il y a des champs de canne à sucre et des maisons abîmées par le temps.
Les moulins
Au XIXe siècle, la Guadeloupe comptait plus de 200 moulins. Importés par les Hollandais au XVIIe siècle, ils servaient à broyer la canne pour fabriquer le sucre. Même si bon nombre d’entre eux sont aujourd’hui en ruine, ils font partie intégrante du paysage guadeloupéen et on peut en croiser un peu partout sur Grande-Terre, Basse-Terre et même Marie-Galante.
La Mahaudière
En rejoignant la pointe de la Grande-Vigie on s’arrête au lieu-dit la Mahaudière où se trouvent les vestiges d’une ancienne sucrerie : le moulin, la cheminée de la sucrerie et une partie de la maison des maîtres. Le site porte le nom de son ancien propriétaire : Jean-Baptiste Douillard Mahaudière qui a marqué l’histoire de la région non pas pour ses activités sucrières mais pour ses activités judiciaires.
En effet, en 1840 le maître des lieux est poursuivi pour séquestration et torture sur une de ses esclaves : Lucile (qu’il accuse d’avoir empoisonné sa femme). Lucile aurait été enfermée, pieds et mains liés dans un cachot pendant plus de 22 mois. Il sera finalement acquitté ce qui fera grand bruit dans la région.
C’est aussi depuis la Mahaudière que l’on peut prendre le départ de la Trace des falaises et rejoindre la Porte d’Enfer en longeant la côte. Le temps menace, le vent souffle fort et les premières gouttes se mettent à tomber. On abandonne l’idée de faire cette marche et on rejoint l’autre départ de la rando.
La Porte d’Enfer et le Trou de Madame-Coco
A notre arrivée il pleut à torrent et une odeur désagréable nous arrive depuis le parking. On regarde dans la baie et on voit des tractopelles en train de remuer et ramasser des algues dans la baie : ce sont des sargasses !!
On décide de continuer un peu la route pour avoir une meilleure vue sur la baie en prenant de la hauteur. Depuis notre point de vue on distingue bien ses paquets d’algues qui viennent s’échouer avec les courants.
Ces algues brunes, apparues dans les Caraïbes en 2011 et dont l’origine reste incertaine, sont un vrai fléau avec des conséquences importantes sur le tourisme et le quotidien des habitants. Elles s’amoncellent sur les rivages, salissent les plages paradisiaques et les ports, mais surtout elles dégagent en séchant de l’hydrogène sulfuré et de l’ammoniac, qui peuvent provoquer maux de tête, nausées et vomissements. Inhalées sur une longue durée elles présentent un danger pour la santé de l’homme.
Pour ceux qui se laisseraient tenter par la balade sachez qu’en quelques minutes de marche depuis le parking situé sur votre gauche le long de la route principale vous pouvez rejoindre la porte d’enfer et le trou de Madame-Coco. Une légende raconte que cette dernière aurait fui par la mer avec son amant, une autre nous dit qu’elle se serait noyée ici à cause d’un chagrin d’amour… dans tous les cas certains racontent que l’on peut encore la voir sortir de cette grotte qui porte maintenant son nom.
La route de la Falaise
La pointe Nord de l’île se dévoile sur une route surnommée la route de la Falaise et elle porte bien son nom puisqu’elle serpente le long de la côte. Quelques points de vue permettent de profiter du panorama sur l’Atlantique.
La pointe de la Grande-Vigie
La route se termine sur un grand parking où on peut garer la voiture avant de terminer les derniers mètres à pied. Le sentier est aménagé et offre une vue sur les falaises et la campagne de Grande Terre.
Le vent nous accompagne toujours et je suis bien obligée de laisser le chapeau dans la voiture si je ne veux pas le voir s’envoler pour Antigua qui se trouve à 80 km de là. La météo est changeante et nous avons le droit à une nouvelle averse. On court vers la voiture pour rejoindre l’Anse Laborde mais la plage sous la pluie… bof !
L’Anse Laborde
On passe sur la côte ouest de Grande-Terre et la météo change à nouveau. Le vent a balayé les nuages à une vitesse folle, il ne nous reste plus qu’à profiter d’une balade sur la plage de l’Anse Laborde. Ici il est préférable de venir pour bronzer plus que pour vous baigner car la mer est dangereuse et la baignade plus ou moins interdite même si quelques personnes se rafraîchissent dans l’eau.
Pour la première fois depuis notre arrivée on trouve enfin des images dignes des nombreuses cartes postales que nous avons vues sur les îles de Guadeloupe. Souvent ce sont ses plages de sable blanc et ses palmiers, la soufrière et sa jolie forêt tropicale que nous voyons.
De notre côté on dirait bien que nous avons commencé notre découverte par les aspects « oubliés » de ces cartes postales à savoir Pointe à Pitre, ses bidonvilles et le quartier du Carénage, la campagne de Grande Terre assez pauvre et qui semble parfois délaissée (abandonnée), les sargasses sur la pointe Nord… tout ce que nous ne voyons pas habituellement de ces îles mais qui font aussi partie du décor.
On se rend compte que nous ne connaissons pas grand chose de la Guadeloupe ni des Antilles. Enfin ce n’est pas le sujet ici mais je vous donnerai mes impressions dans le dernier article.
Vue sur Anse-Bretrand
Depuis l’anse Laborde on repart en direction d’Anse Bertrand. Sur le bord de la route on a une vue sur la ville, son cimetière et sa plage. Il y a une vache et son petit, allongés près d’un arbre face à la mer.
Anse-Bertrand
Anse-Bertrand est le bourg le plus au Nord de Grande-Terre. C’est une région assez peu touristique et le bourg est resté très authentique. On y trouve une supérette, boulangerie, restaurant, café et une petite boutique tenue par une dame très gentille (et je regrette de ne pas avoir acheté la robe que j’ai essayée !! zut !)
A Anse-Bretrand assez peu de touristes (bien moins qu’à Sainte-Anne ou Saint-François) mais la balade est agréable. Comme un peu partout les jolies maisons colorées côtoient des maisons laissées à l’abandon. L’agence du crédit agricole me fait sourire, on dirait un abri de bus.
On va faire un tour à la supérette, on achète une bouteille d’eau et quelques bananes du coin (90 cts le kilos). On va à la boulangerie acheter un sandwich pour le manger face à la mer. Le vent est chaud et c’est agréable de se poser. Sur la place centrale il y a des biquettes en train de brouter la pelouse. Aucune voiture, aucun bruit, tout est calme ici.
L’église d’Anse Bretrand est colorée et son cimetière est très particulier et ressemble à celui de Morne-à-l’eau. En Guadeloupe la religion tient une place très importante dans la vie quotidienne et les tombes sont principalement des caveaux revêtus de carreaux de carrelage blancs et noirs (les caveaux les plus grands et les plus beaux pour les plus riches sans doute). Pour la signification des couleurs l’hypothèse la plus répandue serait celle-ci : le noir est la couleur du deuil en Europe et le blanc celle du deuil dans certaines régions d’Afrique.
Il est difficile de se frayer un chemin entre les tombes, elles sont collées les unes aux autres, roses, bleues, blanches ou noires et blanches. Les tombes sont très différentes de celles que l’on trouve en métropole.
L’Anse du Souffleur et Port-Louis
Pour digérer, rien de telle qu’un tour à la plage. Il fait chaud et l’eau est à 27°C (toute l’année !). J’espérais voir des pélicans et je suis très heureuse d’en voir un. (Je ne savais pas à ce moment-là que c’était loin d’être le dernier et que j’en verrai encore des dizaines durant notre séjour). On reste observer son ballet, il s’envole fait deux tours au-dessus de nos têtes puis pique vers l’eau, plonge et ressort avec un poisson.
Nous passons près de Port-Louis, Petit-Canal mais on ne s’arrête pas (désolée, ce sera la petite lacune de cet article).
Le Canal des Rotours
Le ciel se voile à nouveau et les premières gouttes commencent à tomber lorsque nous arrivons le long du canal des Rotours. Ce canal de 7 km a été creusé à partir de 1829 par près de 400 hommes, pour la plupart des esclaves. L’objectif était de permettre le passage de barques transportant du sucre entre Morne à l’eau et la mer.
Aujourd’hui, ce ne sont plus les barges de sucre qui se promènent sur le canal mais les pêcheurs locaux et les touristes venus en nombre admirer la mangrove et rejoindre le Grand-cul-de-sac Marin.
Vieux-Bourg
L’averse s’éloigne et nous arrivons à Vieux-Bourg. De loin on distingue l’église sur sa colline et on décide de la rejoindre. De là-haut on devrait avoir une jolie vue sur le village et sur le Grand cul-de-sac marin. A côté de l’église le cimetière est typique de la région avec ses caveaux noirs et blancs.
Dans la campagne autour de Vieux-bourg on croise quelques animaux, des vaches et des taureaux, des cochons et même un dinosaure (si si ! Je sens que vous ne me croyez pas, pourtant nous avons la preuve en image !).
Depuis notre arrivée nous avons remarqué que dès que nous voyons une vache ou un bœuf il est toujours accompagné d’un oiseau ! Ces drôles de compagnon de route sont mêmes appelés les gardes-bœufs. C’est une sorte de héron qui se nourrit de la vermine sur les bovidés, mouches, larves, tiques…
La plage de Babin
La plage de Vieux-Bourg est la plage de Babin. Ici ne vous attendez pas à voir une belle plage de sable fin car c’est plutôt de la mangrove avec les racines des arbres, de l’herbe, de la terre et de la boue (qui paraît-il est très bonne pour la peau). Par contre on retrouve aussi les cocotiers et le côté positif de ce coin de nature ce sont les huttes aménagées où les familles viennent pique-niquer et s’installer pour la journée.
La mangrove
Depuis la plage de Babin on rejoint un tout petit sentier aménagé qui permet de marcher sur un ponton au cœur de la mangrove. Bon… ce que nous ne savions pas c’est qu’à cet endroit ça grouille de petits insectes qui nous ont tout de suite rappelés les midges en Ecosse : attention à vous, ils attaquent en nombre ! Bref, je peux vous assurer qu’on ne reste pas longtemps dans la mangrove et faire quelques photos devient vite douloureux.
Morne-à-l’eau et son cimetière
On reprend la route pour rentrer au Moule et en chemin on s’arrête au cimetière de Morne-à-l’eau qui porte bien son nom puisqu’à peine sortis de la voiture il se remet à pleuvoir des cordes (et ça ne se voit même pas sur les photos !). Ce cimetière est le plus grand et le plus connu de Basse-Terre, c’est un peu étrange de visiter un cimetière mais la mort fait partie du quotidien. Ici, les habitants n’offrent pas des chrysanthèmes à la Toussaint mais ils allument des bougies sur les tombes (comme j’avais pu l’observer en Pologne).
Pour conclure
C’est ici que s’achève cette deuxième journée sur les îles de Guadeloupe. Prochaine étape je vous parle de notre découverte du sud de Grande-Terre avec Saint-François, la Pointe des Châteaux, Sainte-Anne, la plage de Bois-Jolan…
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Merci pour toutes ces explications c’est vraiment génial !